Me Manuel ABITBOL, avocat en droit pénal et en procédure pénale, vous propose d’aborder la suite de son article sur les peines complémentaires en abordant la question de l’inéligibilité pouvant être prononcée par le tribunal correctionnel.
Suite aux actualités des procès « Balkany » et « Fillon », nous trouvons de belles illustrations de cette peine complémentaire régulièrement requise par le Parquet auprès des tribunaux correctionnels.
Dans quels cas l’inéligibilité peut-elle être prononcée par le tribunal correctionnel en tant que peine complémentaire ?
Prévue par l’article 131-26 du Code pénal, l’interdiction du droit civique d’éligibilité est une peine complémentaire prévue par la loi pouvant venir s’ajouter à une peine principale prononcée par le tribunal correctionnel :
« L’interdiction des droits civiques, civils et de famille porte sur : (…)
2° L’éligibilité ; (…)
L’interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit.
La juridiction peut prononcer l’interdiction de tout ou partie de ces droits.
L’interdiction du droit de vote ou l’inéligibilité prononcées en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d’exercer une fonction publique. »
Comme précisé par l’article 131-26-1 du Code pénal, cette peine complémentaire ne pourra être prononcée que lorsque la loi le prévoit :
« Dans les cas prévus par la loi et par dérogation au septième alinéa de l’article 131-26, la peine d’inéligibilité mentionnée au 2° du même article peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus à l’encontre d’une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits. »
Sans grande surprise, ledit article prévoit donc une aggravation de la durée d’inéligibilité lorsque le délit a été commis par un membre du gouvernement ou lors de l’exercice d’un mandat électif au moment des faits.
Cela vise évidemment à réprimer une forme de trahison de la confiance ayant été accordée au prévenu par son élection.
Cette répression va encore plus loin via l’article 131-26-2 du Code pénal adopté par la loi de confiance dans la vie politique.
En effet, ledit article impose la peine complémentaire d’inéligibilité en cas de condamnation pour l’un des délits suivants :
« I. – Le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable d’un délit mentionné au II du présent article ou d’un crime.
Cette condamnation est mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire prévu à l’article 775 du code de procédure pénale pendant toute la durée de l’inéligibilité.
II. – Les délits pour lesquels l’inéligibilité est obligatoirement prononcée sont les suivants :
1° Les délits prévus aux articles 222-9, 222-11, 222-12, 222-14, 222-14-1, 222-14-4, 222-15, 222-15-1 et 222-27 à 222-33-2-2 du présent code ;
2° Les délits prévus aux articles 225-1 à 225-2 ;
3° Les délits prévus aux articles 313-1,313-2 et 314-1 à 314-3, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
4° Les délits prévus au chapitre Ier du titre II du livre IV ;
5° Les délits prévus aux articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 434-43-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
6° Les délits prévus aux articles 441-2 à 441-6, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
7° Les délits prévus aux articles L. 86 à L. 88-1, L. 91 à L. 104, L. 106 à L. 109, L. 111, L. 113 et L. 116 du code électoral ;
8° Les délits prévus aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’ils résultent de l’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° du II de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
9° Les délits prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
10° Les délits prévus aux articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce, ainsi que leur recel ou leur blanchiment ;
11° Les délits prévus à l’article L. 113-1 du code électoral et à l’article 11-5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
12° Les délits prévus au I de l’article LO 135-1 du code électoral et à l’article 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;
[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017.]
14° Le délit de participation à une association de malfaiteurs prévu à l’article 450-1 du présent code, lorsqu’il a pour objet un crime ou un délit mentionné aux 1° à 13° du présent II.
III. – Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine prévue par le présent article, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
S’il appartient donc aux juges de décider par décision spécialement motivée si la peine complémentaire d’inéligibilité doit être prononcée au non, Me Manuel ABITBOL, avocat en droit pénal et en procédure pénale, vous incite, toutefois, à faire appel à un avocat afin de défendre au mieux vos intérêts et d’éviter une éventuelle inéligibilité.