L’ingénieur, l’escort-girl et les 400 000 euros évaporés

Une prostituée de luxe a été relaxée après les poursuites engagées contre elle par un habitant de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) qui lui avait prêté de l’argent.

LE PARISIEN
Par Julien ConstantLe 21 novembre 2019 à 12h38, modifié le 21 novembre 2019 à 13h01

Il croyait l’escort-girl amoureuse de lui. S’estimant floué alors qu’elle l’avait quitté sans prévenir – après lui avoir emprunté près de 400 000 euros – ce septuagénaire a déposé plainte pour abus de confiance. Mais la justice vient de débouter l’habitant de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), jugeant qu’il n’était plus le propriétaire de l’argent ainsi remis.

L’affaire démarre au printemps 2017. Daniel*, 71 ans, vient déposer plainte après avoir constaté la « disparition », du jour au lendemain, de celle qui partageait sa vie depuis près de quatre ans. Devant les policiers, cet ingénieur, employé par un grand groupe pétrolier, explique qu’à son réveil, Aleksa, 38 ans, est partie de son domicile avec toutes ses affaires. En le quittant soudainement, la jeune femme rencontrée sur Internet et qui faisait commerce de ses charmes comme escort-girl, aurait aussi pris le soin d’emporter plusieurs reconnaissances de dettes contractées auprès de son client, ainsi que des clés USB et un disque dur.

Elle se dit séquestrée en Belgique…

Au fil de leur « relation », démarrée en 2012, l’escort était parvenue à se faire remettre près de 400 000 euros par son généreux « donateur ». Epris mais encore lucide, ce dernier avait quand même pris le soin de rédiger plusieurs reconnaissances de dettes, conservées en lieu sûr à son domicile.

Quelques heures après son soudain départ, Aleksa contacte Daniel pour lui révéler les raisons de sa fuite : extirpée « d’un milieu de proxénète », elle avait finalement été rattrapée par son passé et devait « rembourser de l’argent ». Un peu plus tard, elle lui précise encore qu’elle a été contrainte de se rendre dans des « maisons closes en Belgique ». Aleksa assure aussi, à plusieurs reprises, être sous « l’emprise de proxénètes violents » et être « recluse » quelque part en Belgique.

… Il la retrouve dans un appartement du XIVe arrondissement

Intrigué par le récit de la jeune femme, Daniel engage un détective privé pour retrouver sa trace. Le limier ne tarde pas à remonter la piste de la disparue, non pas de l’autre côté de la frontière belge mais dans le XIVe arrondissement à Paris. Pis : Aleksa n’est guère contrainte puisqu’elle a acheté un appartement qu’elle s’occupe à rénover…

Finalement interpellée au printemps 2018, l’escort est trouvée en possession d’un chèque de 50 000 euros établi par son ex-client ainsi que des clés USB et du disque dur dérobés au domicile de ce dernier.

Entendue, la jeune femme a reconnu avoir rencontré Daniel pour des « relations tarifées » avant d’entretenir « une relation amoureuse » avec lui et s’être occupée de son appartement pendant ses fréquents déplacements à l’étranger pour son travail. Toujours selon ses déclarations, Daniel lui versait entre 3 000 et 5 000 € par mois pour ses précieux « services ». Avant de changer radicalement de version.

«Esclave sexuelle»

Auditionnée une seconde fois, Aleksa a soutenu avoir été réduite à l’état « d’esclave sexuelle » par Daniel, et l’argent versé aurait été destiné à acheter son silence. Confronté avec Aleksa, l’ingénieur s’est dit « effondré par ses accusations » avant de les contester fermement.

Renvoyée devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour des faits d’abus de confiance, Aleksa a été jugée au début du mois de novembre, et relaxée. Les juges estimant que les faits dénoncés par la victime ne relevaient pas de l’abus de confiance.

« Depuis le début de cette affaire, nous soutenons qu’il ne peut s’agir d’un abus de confiance, rappelle le conseil d’Aleksa, Me Manuel Abitbol. La partie civile prétendait que ces sommes avaient été prêtées avec reconnaissance de dette à ma cliente. A considérer qu’il s’agisse de prêts, cela a eu pour conséquence le transfert de propriété de cet argent. Elle ne pouvait donc être accusée d’avoir détourné ces fonds puisqu’ils étaient devenus sa propriété ».

*Les prénoms ont été modifiés.